Lettre ouverte au journal « Le Monde » : toute publicité est-elle acceptable ?
C’est avec indignation que nous avons pris connaissance des articles concernant le Cameroun et publiés dans votre journal daté du DATE. Quand bien même vous avez pris la précaution de les faire figurer dans une rubrique intitulée « Publicité », la présence de tous ces articles dans un journal tel que le vôtre fait de tout ce qui y est écrit, une information.
Nous ne doutons pas que les médias et principalement la presse écrite soit soumis à une forte pression financière. Cependant, cela suffit-il à justifier qu’un journal de votre trempe fasse la publicité d’un dictateur ? Car M. Paul Barthélemy Biya, 80 ans dont bientôt 29 passés à la tête de l’Etat camerounais, n’est pas un moins classique dictateur que d’autres chefs d’Etat que vous avez déjà qualifiés comme tels dans votre journal.
Les informations pouvant étayer cette affirmation ne manquent pas et ne peuvent pas vous échapper.
Par ailleurs, vous ne pouvez pas ignorer le contexte dans lequel paraissent ces malheureuses pages de « publicité », à savoir que d’une part, le 20 mai est la fête nationale du Cameroun, à l’occasion de laquelle le dictateur Biya a invité, aux frais du contribuable camerounais, une quinzaine de journalistes. D’autre part, une élection présidentielle est censée se tenir en octobre de cette année 2011. Pour pouvoir encore se représenter une énième fois à sa propre succession, le dictateur Paul Biya a fait réprimer dans le sang, en février 2008, une révolte populaire contre la modification constitutionnelle qui supprimait la limitation des mandats présidentiels : plus de 200 morts en 3 jours. Nulle part dans les répressions en cours dans certains pays « arabes », une telle densité de tueries n’a été observée. Lors de son voyage officiel en juillet 2009 en France, nous avons pu alerter l’opinion et la presse françaises sur la nature du régime camerounais et le vrai visage de son chef. Certains de vos confrères eurent alors la courageuse attitude de dénoncer la présence, dans leur journal, d’un publi-reportage sur M. Biya et son régime.
Alors que les principaux responsables des pays démocratiques appellent des dictateurs comme M. Biya à quitter pacifiquement le pouvoir, alors que les peuples continuent d’exprimer, selon leur degré de liberté, leur aspiration à de véritables démocraties, il est regrettable que pour quelques euros de plus (même s’ils étaient des millions), vous consentiez à faire paraître comme fréquentable, apprécié de son peuple et donc rééligible, un homme qui verse sans scrupule le sang de la jeunesse camerounaise, et dont la très grande majorité du peuple n’a qu’une envie, c’est de tourner la page de son passage à la tête de leur pays.
Nous espérons donc que l’information, la vraie, complète, courageuse et non commerciale, reprendra ses droits dans votre journal et que vos lecteurs auront droit à la partie cachée de l’iceberg de la gestion criminelle, gabegique et calamiteuse du régime de M Biya.
Pour le Collectif des Organisations Démocratiques et Patriotiques de la Diaspora Camerounaise (CODE),
M. Moïse ESSOH