Le CODE écrit à Barroso et dénonce la complaisance de la commission vis à vis du régime antipopulaire de Paul Biya
A son excellence
Monsieur José Manuel BARROSO,
Président de la Commission Européenne
Réf.: CE5/CC/CODE/2008
Objets :
Ø Application du régime des sanctions prévues par l’Accord
de Cotonou contre le gouvernement antidémocratique du Cameroun pour violation
des principes démocratiques et des droits humains
Ø Interpellation
du gouvernement camerounais sur les massacres des populations civiles et la
révision anticonstitutionnelle de la constitution.
Excellence, Monsieur le Président,
La présente correspondance fait suite à
celles que nous vous avons déjà adressées en juillet 2004, en avril 2005 et en
avril 2007. Dans ces précédentes correspondances, notre organisation, le CODE,
exprimait son incompréhension par rapport à l’attentisme, voire à la complaisance
de l’Union Européenne face aux violations massives des droits Humains, des
principes démocratiques et de l’Etat de droit au Cameroun par les autorités
antidémocratiques au pouvoir.
Malgré nos précédentes interpellations,
nous n’avons pas observé de changement significatif de l’attitude de l’Union
Européenne à ce sujet.
Pourtant, à chaque fois, nous vous
démontrons que l’aggravation de la situation sociopolitique, les fraudes
électorales à répétition, les violations massives des droits humains et des
libertés individuelles, auraient dû amener les institutions européennes
compétentes, dans le cadre des dispositions pertinentes des accords de
partenariat UE-ACP, à prendre des mesures coercitives contre le régime corrompu
et illégitime du Cameroun.
Une fois encore, nous venons vous
indiquer que la situation au Cameroun s’est encore aggravée depuis notre
dernière courrier, et notamment ces dernières semaines. Afin de vous situer sur
la gravité de la situation sociopolitique du Cameroun qui se dégrade sans cesse,
nous nous limiterons à trois niveaux :
I. La révolte populaire de
fin février 2008
Fin
février 2008, en moins de 5 jours, plus de 250 Camerounais ont perdu la vie
pour avoir manifesté contre des conditions de vie de plus en plus
insupportables, et contre la révision annoncée de l’article 6.2 de la
constitution du Cameroun, censée permettre à M. Paul Barthélemy Biya de se
représenter une nouvelle fois à la présidence de la république au delà de son
deuxième et dernier mandat constitutionnel, qui se termine en 2011. Pour
rappel, M. Paul Barthélemy Biya, 75 ans, est au pouvoir depuis 26 ans (1982) et
constamment « réélu » grâce à des parodies d’élections que seule la
diplomatie et les intérêts économiques poussent les officiels de certains pays
à prendre en considération.
Permettez nous de vous rappeler que dans notre
courrier d’avril 2007, il y a un an, en vous éclairant sur les objectifs de la
mascarade électorale de juillet 2007, nous vous avions déjà annoncé le présent
scénario. Voici en substance ce que nous écrivions :
« L’enjeu des élections législatives du 22 juillet 2007
pour Monsieur Biya, qui est entrain d’épuiser ses 2 septennats
constitutionnels, est de tout mettre en œuvre pour rafler une majorité
confortable au Parlement ; ce qui lui permettrait par la suite, de
tripatouiller la constitution camerounaise pour se donner la possibilité de
briguer un autre mandat présidentiel. Le CODE s’insurge contre toutes ces
manœuvres et attire l’attention de la Commission de l’UE sur les dangers que
ferait courir une telle modification constitutionnelle au Cameroun, déjà en
proie à de nombreuses lignes de fractures internes. Il n’est pas inutile de
rappeler que la guerre civile qui ravage actuellement le Tchad est en grande
partie due au tripatouillage de la constitution Tchadienne en 2004 par le
président Idriss Déby Itno avec le soutien explicite de la France! ».
Nous n’avons plus rien à rajouter, vous êtes au courant de ce qui s’est passé au Cameroun, comme vous l’avez relevé dans votre communiqué du 27/03/2008 sur la situation dans notre pays.
II-La
réponse du régime à cette révolte et les massacres de populations désarmées
En réponse à ces manifestations, le régime a
décidé de faire descendre l’armée dans les rues, avec des chars, et l’ordre de
tirer sur les populations civiles désarmées. La jeunesse camerounaise a payé à
ce sujet un lourd tribut. Si le gouvernement illégitime reconnaît 40 morts, les
ONG des droits humains et les organisations de la société civile parlent de 150
à 200 morts. Le CODE prétend q’une enquête indépendante sur l’ampleur de ces
massacres ne conclura pas à un bilan de moins de 250 morts, en 5 jours de
révolte.
En plus de ces massacres à large échelle, des
nombreuses arrestations arbitraires ont eu lieu, avec une justice expéditive et
de masse qui a condamné jusqu’à 15 ans d’emprisonnement des jeunes mineurs pour
avoir exprimé leur opinion politique en manifestant contre la révision de la
constitution. Le régime camerounais détient donc des prisonniers politiques au
Cameroun.
Enfin, comme vous l’avez remarqué dans votre
communiqué, les médias libres qui ont osé rapporter la réalité des faits ont
été bâillonnés, et interdits. Aujourd’hui encore, des arrestations arbitraires
ont lieu, suite aux dénonciations arrachées par la torture aux manifestants
emprisonnés.
III. La
révision de l’article 6.2 de la constitution
Consciente qu’une telle révision, ne peut se faire sans risque d’explosion si elle n’associe pas l’ensemble de la population, l’Union Européenne déclare dans son communiqué de presse : « l’importance de soumettre les propositions de révision constitutionnelle à un débat large, libre et ouvert, incluant toutes les composantes de la société camerounaise ». Force est de constater que même le conseil de l’Union Européenne n’a pas été entendu par le régime antidémocratique et dictatorial de Yaoundé. En effet, le projet de révision constitutionnelle a déjà été déposé, adopté en commission et sera adopté en séance plénière cette semaine par une majorité parlementaire illégitime issue de la mascarade électorale de juillet 2007, et ceci sans aucune consultation, même au sein du parti au pouvoir.
La situation socio-économique marquée par un appauvrissement
extrême de la population et une corruption sans égale de la classe politique
dirigeante, le passage en force de la révision, et les massacres
à large échelle, dévoilent le véritable visage de la dictature camerounaise.
Face à la gravité de la situation ainsi décrite,
nous nous tournons vers l’Union Européenne parce que nous pensons que votre
institution peut encore aider le peuple camerounais.
Excellence, Monsieur le Président,
Le Collectif
des Organisations Démocratiques et Patriotiques de la Diaspora Camerounaise
(CODE) a bien sûr pris acte du communiqué que l’Union Européenne a publié au
sujet de cette situation, et l’en remercie. Le CODE
regrette cependant que l'UE se borne à «dénoncer» les faits, sans les condamner. L’UE exprimerait-elle par cela que les
massacres des populations civiles, les arrestations arbitraires, les jugements
expéditifs, les atteintes aux droits humains et à la liberté de presse sont
dénonçables mais pas condamnables ? Le CODE dénonce cette attitude
d’attentisme voire de complicité avec un régime coupable de faits graves.
Par
ailleurs, l’Accord de Cotonou reconnaît qu’un « environnement
politique garantissant la paix, la sécurité et la stabilité, le respect des
droits de l’Homme, des principes démocratiques et de l’Etat de droit et la
bonne gestion des affaires publiques, fait partie intégrante du développement à
long terme ». Cet accord a aussi prévu un régime
de sanctions lorsqu’une partie déroge au respect des droits de l’Homme, aux
principes démocratiques et à l’Etat de droit.
Considérant la gravité de la situation du Cameroun, le Collectif des Organisations Démocratiques et Patriotiques des Camerounais de la Diaspora (CODE) appelle votre haute institution à:
1. Mettre en application les dispositions de l’article 96 de l’accord de Cotonou qui prévoient un régime de sanctions à l’encontre des gouvernements qui violent les droits de l’homme et les principes démocratiques, ou en se maintenant au pouvoir par des mascarades électorales.
2. Faire pression sur les autorités camerounaises pour qu’elles renoncent à leur révision anticonstitutionnelle et que le président Biya s’engage définitivement et irréversiblement à quitter le pouvoir, comme il doit le faire, au plus tard en 2011.
3. Soutenir le CODE dans son exigence de la mise en place d’une Commission Internationale d’Enquête sur les massacres de février 2008 au Cameroun.
4. Geler les
avoirs dans les banques européennes et procéder à la saisie des biens meubles
et immeubles des membres du régime camerounais accusés ou soupçonnés de
corruption et/ou de détournements de deniers publics.
Dans l’espoir que vous prendrez en
considération notre demande, veuillez agréer, Excellence, Monsieur le
Président, notre très haute considération.
Fait à Bruxelles, ce 09 avril 2008
Les
organisations membres du CODE :
- CNR/MUN (Conseil National de la Résistance – Mouvement Um
Nyobiste) M.
G. TENE SOP
- UPC (Union des Populations du
Cameroun) : Dr
Moïse ESSOH, (Secrétaire exécutif du CODE)
- CFM (Cercle Félix Moumié) : Dr Patrice NDJOUMI
- CFD (Campaign For Democracy) : Luc Magloire ZINTCHEM
Ampliations :
· Président du Parlement Européen, Présidents de
Commissions (Affaires Etrangères, Droits humains, Commission du Développement
et de la Coopération)
· Présidence de la Commission de l’Union Africaine
· Comité des médiateurs de l’Union Africaine
· Commissaire européen à la Coopération et au Développement
· Députés Européens
· Presse Nationale et Internationale